Le silence
26 août
Il y a 17 mois, j’ai dû brutalement apprendre à vivre avec le silence laissé par le décès de mon Fils, Léo. Il y a 17 mois, après avoir vécu la journée la plus abominable de toute une vie, nous sommes allés chercher nos affaires dans notre appartement, Charles et moi, parents endeuillés de quelques heures. Il a fallu pénétrer dans cet endroit que je chérissais tant, ce cocon d’amour et de vie qui abritait la joie et le bonheur, ces pièces qui d’un coup me paraissaient étrangères. Le silence qui y régnait, était d’une lourdeur insoutenable. La vie s’était arrêtée, notre respiration était suspendue à un fil. Il y a 17 mois, je m’endormais dans un silence aussi noir que la pénombre de notre chambre d’hôtel, aspirée par le besoin de ne jamais plus me réveiller.
Je n’ai jamais aimé le silence, cela m’a toujours gênée. Un silence à table, un silence dans une conversation, un silence qui en dit long, un silence qui ne pouvait être, à mes yeux, synonyme que de douleur ou de malaise. Mais je n’ai pas eu le choix, j’ai appris à vivre avec, j’ai appris à le défier aussi. Je le distingue bien des moments de calme, de paix et de tranquillité. Je parle précisément du silence qui fait terriblement mal. Le silence laissé par l’absence de notre Fils, le silence de la pièce où nous avons réalisé la cérémonie laïque en son honneur, le silence qui s’impose à moi à chaque fois que je me rends au cimetière, le silence de certaines personnes et de certaines situations, le silence de la justice et celui de l’injustice, le silence du tabou, le silence ambiant de la nuit et le silence dans nos esprits certains jours. Je pense aussi au silence des échographies qui bouleversent une vie à jamais, des bébés nés sans un cri, sans un bruit, celui des parents, dont le ventre de la maman est vide, quittant la maternité, le silence des tragédies, celui des bébés prématurés, malades, celui laissé par nos enfants en quittant ce monde.
Le silence après la vie.
« Aujourd’hui que la mort est devenue taboue, on ne porte plus le deuil après la perte d’un proche. On le vit en silence. Or c’est un traumatisme, une blessure dont les répercussions se font sentir tout au long de la vie ». (Christophe Fauré, « Vivre le deuil au jour le jour », Editions Albin Michel).
Voilà pourquoi nous avons décidé de ne pas nous taire avec Charles parce que le silence qui s’impose à nous est suffisamment pesant et parce qu’il est bien trop précieux, à tant de niveaux, de continuer à parler de Léo et de toute son histoire. D’ailleurs si les choses continuent bien à suivre le sens et le chemin qu’on essaie de leur donner, nous réussirons à faire de ce silence écrasant, une cause qui je l’espère sera retentissante, pour Léo et pour toutes ces petites étoiles.
Nous te serrons tout contre nous, comme chaque jour, comme chaque 13 et chaque 26.
Julie et Charles, des parents qui ont beaucoup de choses à dire.
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